Semis directs ou en pépinière, attention aux excès de matières organiques !

Les matières organiques sont utiles, et même nécessaires en jardinage naturel.

Mais, au stade des semis, que ce soit en pépinière, ou en pleine terre, elles sont plutôt néfastes…

L’idée de cet article m’est venu suite notamment à plusieurs questions reçues ces derniers temps en accompagnement personnalisé (merci aux adhérents concernés pour leurs questions inspirantes – même si j’imagine que vous en seriez bien passé – et pour les photos illustrant le présent article).

Pour vos semis en pépinière, utilisez un terreau… de semis

Comme je le précise dans la formation « Faites vos plants« , il est important de distinguer les terreaux de semis des terreaux de plantations.

Précisons d’entrée que je parle ici de terreaux « utilisables en agriculture biologique », donc « non enrichis » en engrais chimiques (Il en va autrement pour les terreaux chimiques, ne contenant pas, ou peu de matières organiques autres que la tourbe, et dont la fertilité repose sur des engrais chimiques, sources de déséquilibres ; mais c’est là une autre question).

Malheureusement, les dénominations prêtent souvent à confusion.

Et trouver des terreaux « bio » n’est apparemment pas évident partout, même si les choses changent peu à peu (lorsque je me suis installé en maraîchage bio, j’ai dû faire le forcing auprès de la coopérative agricole locale pour qu’ils s’approvisionnent en terreaux biologiques…).

Mais essayons justement d’y voir plus clair.

Les terreaux de semis

Les terreaux de semis, également souvent appelés terreaux de semis & repiquage (ce qui engendre déjà de la confusion), sont fins, et ne contiennent pas, ou peu, de matières organiques non décomposées.

Ils peuvent néanmoins contenir du compost, mais parfaitement décomposé (ou mûr si vous préférez).

En début de croissance, les besoins en fertilisation d’une jeune plantule sont quasiment nuls.

Les matériaux organiques non décomposés nuisent à la germination et peuvent « barrer la route » à la levée de la jeune plantule.

Ces terreaux de semis, de par leur texture fine, sont donc parfaitement adaptés à la levée.

Vous pouvez bien sûr utiliser ces terreaux de semis pour vos repiquages. Je vous conseille alors d’y ajouter un peu de compost.

 

Les terreaux de plantation

Les terreaux de plantation sont plus grossiers et enrichis de matériaux non décomposés.

On y trouve en particulier très fréquemment des petits morceaux de bois ou d’écorces.

Ces matières organiques non décomposées vont permettre une meilleure rétention de l’eau et donc réduire les besoins en arrosage.

En se décomposant progressivement, elles fourniront également à vos plantules la nourriture nécessaire à leur croissance.

C’est un avantage réel au jardin, ou pour des cultures en pot.

Mais si vous utilisez ces terreaux pour vos semis, non seulement la germination risque d’être compromise, mais surtout, vous exposez vos plantules à 2 phénomènes :

plants de tomates végétant dans un terreau trop riche
Ces jeunes plants de tomates végètent depuis des semaines dans un terreau bien trop riche en matières organiques brutes
  • La faim d’azote : les micro-organismes normalement chargés de libérer les éléments minéraux se retrouvent accaparés à décomposer les matériaux solides. Les jeunes plantules ne disposent alors même pas du d’éléments fertilisants dont ils ont besoin… et ne croissent pas !
  • La fonte des semis : cette maladie cryptogamique est la conséquence d’un excès d’humidité. Les terreaux de plantation ont la capacité à se gorger d’eau. Aussi, en utilisant ce type de terreau pour vos semis, vous créez des conditions favorables au développement de cette maladie.

Les choses sont claires : pour vos semis, évitez absolument les terreaux de plantations !

Ces terreaux sont à utiliser :

  • pour les repiquages (mais évitez quand même les terreaux trop « grossiers ») ;
  • pour les cultures en pots, ou en carrés surélevés ;
  • pour les cultures en pleine terre (Bon, je trouve de loin préférable d’enrichir sa terre. Mais ça peut être utile pendant un an ou deux si vous mettez en culture une terre pauvre, ou ingrate, par exemple très argileuse ou sans profondeur).

 

Les terreaux universels

Le terme est certes « vendeur ».

« Super, je peux utiliser ce terreau pour tout »… C’est pratique !

Ok…

Mais, à mon sens, c’est une bêtise, car justement, les besoins pour une levée ne sont absolument pas les mêmes que pour le développement des plants…

 

Terreaux à base de fibres de coco

Depuis quelque temps, les terreaux à base de fibres de coco ont fait leur apparition.

Dans un contexte où la tourbe se fait de plus en plus rare (Les tourbières disparaissent, notamment du fait de l’utilisation de ce matériau pour les terreaux), cela peut sembler une bonne chose d’un point de vue écologique.

Et on voit un peu partout l’éloge de ce produit.

Mais à mon avis, les choses ne sont pas aussi simples.

Nous pourrions déjà parler du coût écologique lié à l’importation de ce matériau exotique.

Disons également que les terreaux « bio » classiques comportent certes de la tourbe, mais ils intègrent aussi aujourd’hui de plus en plus de compost (issu de différents matériaux, végétaux et animaux)… Les choses s’améliorent donc, même si c’est encore loin d’être parfait.

Mais surtout, et c’est du coup le constat fait par une lectrice du blog sur l’article « Faites vos plants de légumes bio » qui m’inspire cette réflexion, je ne suis absolument pas certain que ce type de terreau soit adapté aux semis…

Dans son commentaire, Aurélie m’explique que ses plants de tomates, après avoir levé sans problème, ne se sont plus développés.

Elle me demande si ce terreau de fibres de coco peut être en cause.

Je lui ai répondu que, bien que n’ayant personnellement aucune expérience avec ce terreau, je pensais que c’était tout à fait plausible… Et qu’à mon sens, les fibres de coco constituaient un matériau trop grossier, non décomposé, donc, et on y revient, susceptible de provoquer une faim d’azote.

Mais, n’ayant même jamais eu sous les yeux un terreau de fibre de coco (je vais y remédier…), je me trompe peut-être…

Ce terreau est peut-être plus fin que je ne l’imagine… dites-le moi alors dans les commentaires.

Les terreaux faits « maison »

Je ne peux que vous féliciter de faire vous-même votre terreau.

Mais pour vos semis, veillez à utiliser un terreau parfaitement décomposé…

Faire son terreau de semis

Pour obtenir un bon terreau de semis, laissez simplement un tas de feuilles à se décomposer pendant au moins 2 ans.

Vous pouvez également fabriquer votre terreau de semis en mélangeant, à parts égales, du compost avec de la terre de jardin. Tamisez au préalable ces 2 matériaux pour éliminer les éléments grossiers.

Voici une petite vidéo expliquant très clairement comment faire un terreau maison :

 

 

Notes toutefois que le terreau de semis « fait maison » comporte un inconvénient : il a de fortes chances de contenir des graines d’adventices.

Et ces graines peuvent germer avant celles que vous aurez semées.

Aussi, si vous ne savez pas reconnaître les cotylédons des espèces que vous semez, vous risquez d’être perdu(e).

Il est alors assurément préférable d’utiliser un terreau du commerce.

 

Faire son terreau de repiquage et de plantation

Le principe demeure le même, avec quelques nuances :

Pour un terreau à base de feuilles mortes, ajoutez-y du compost (mûr pour un terreau destiné aux repiquages, alors qu’il peut l’être un peu moins pour un terreau destiné aux plantations en terre ou à en pots) pour apporter de la fertilité.

Pour un terreau à base de compost et de terre, le tamisage peut être plus grossier (mailles plus larges) pour des repiquages. Et pour des plantations, il n’est pas utile.

Des matières organiques, c’est bien… Mais pas toujours, et attention aux excès

Radis ne grossissant pas
Les radis n’apprécient pas une fertilisation organique importante…

Au jardin aussi, trop de matériaux organiques dans le sol peuvent être préjudiciables, plus particulièrement pour ce qui concerne les semis directs ou les jeunes plants.

Par exemple, comme vous pouvez le voir sur la photo, les radis ne se développent pas…

C’est tout simplement parce que ce légume n’apprécie pas du tout les matériaux non décomposés.

En fait, le radis n’a pratiquement pas besoin de fertilisation (Comme d’autres d’ailleurs… je précise tout cela dans Mon Potager au Naturel).

Et personnellement, je ne mets rien avant une culture de radis (mais, si votre terre est encore pauvre, vous pouvez éventuellement mettre un peu de compost bien mûr).

Par ailleurs, comme pour des semis en pépinière, un excès de matières organiques non décomposées, peut être une cause de fonte des semis.

Des morceaux de bois, d’écorces, du fumier pailleux frais, ou autres matériaux non décomposés vont servir d’éponge. Ils retiendront l’eau en quantités importantes, et la libéreront dans le sol.

La terre risque alors de rester constamment humide, provoquant une fonte des semis.

C’est un avantage en plein été, sur des plants déjà bien développés.

Mais cela peut être fatal pour de jeunes pousses.

Feuillage pomme de terre boursouflé
Le feuillage de ce plant de pomme de terre est boursouflé…

Et, là encore, ces matières non décomposées ont de fortes chances (ou malchances plutôt) de provoquer une faim d’azote.

Prenons enfin l’exemple de la photo de cette culture de pommes de terre.

Il s’agit du même potager dans lequel poussent, tant bien que mal, les radis précédemment vus.

Cette terre est excessivement enrichie.

Et comme vous pouvez le voir sur la photo, le feuillage de certains plants de pommes de terre a tendance à se boursoufler.

La cause en est probablement cette mouche des semis (ou plus précisément sa larve)… Un insecte appréciant ces matières non décomposées ainsi que l’humidité.

Or, nous avons vu que ces deux paramètres étaient liés (les matériaux organiques retiennent l’eau).

Nous avons donc là des conditions parfaites pour l’apparition de cette mouche des semis…

 

Je pourrais trouver d’autres exemples… Mais retenez simplement ceci : pour des semis, n’apportez pas de matières organiques non décomposées.

Et si ces matières organiques sont déjà présentes dans le sol, il pourra être judicieux d’aménager un sillon que vous remplirez de terreau de semis.

En conclusion

Nous pourrions résumer tout ceci à travers un petit dicton : « Le mieux est l’ennemi du bien ».

En l’occurrence, un excès de matière organique est néfaste pour les semis, qu’ils soient directs ou en pépinière.

Mais ce dicton peut s’appliquer à bien des problématiques en jardinage naturel.

Par exemple, un entretien trop « rigoureux » (tontes et fauches incessantes notamment…) de votre jardin nuira à la biodiversité. Cela engendrera des soucis avec certaines populations animales…

De même, arroser trop souvent, ou carrément tous les jours, est une énorme bêtise. En faisant cela, vous n’incitez pas les plantes à développer leurs systèmes racinaires. Elles n’en deviennent que plus fragiles et dépendantes de vos arrosages.

 

Un petit commentaire, un partage d’expérience ou une question me font toujours plaisir. Alors, merci d’avance.

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