Nous allons voir ici pourquoi et comment échelonner ses cultures potagères.
Suite à mon mail de la semaine passée, consacrée aux gelées, une lectrice du blog m’a envoyé le message suivant :
« Bonjour, j’ai entendu à la radio une remarque d’un auditeur qui m’a paru très sensée pratiquée par nos anciens : planter dans nos vergers des espèces très diverses au degré de floraison variable qui permet d’éviter de perdre toute sa récolte d’un coup. Idem si on peut varier les expositions…
Les arboriculteurs ont tendance à trop uniformiser leurs cultures…
Meilleures salutations,
Solange »
Ce que disaient les anciens était très juste.
Cela vaut également pour le potager.
Et, non seulement nous pouvons diversifier les espèces et variétés, mais nous pouvons également échelonner nos cultures dans le temps.
Nous en avons déjà parlé à plusieurs reprises au détour d’un article du blog, et c’est également un conseil que je donne dans Mon Potager au Naturel, mais il me semble intéressant de revenir un peu plus en profondeur sur cette idée d’échelonnage des cultures.
Pourquoi échelonner ses cultures ?
Échelonner ses cultures pour minimiser les risques
Échelonner vos cultures va tout d’abord vous permettre de minimiser les risques face à d’éventuels aléas climatiques.
Si vous plantez par exemple tous vos plants de tomates (ou autres légumes sensibles au gel) en même temps, au mois d’avril, et qu’une gelée intervient juste après, vous perdrez tout. Mais si vous plantez seulement une partie de vos plants avant les saints de Glace (Donc après le 13 mai… Mais en zone montagneuse ou au Québec par exemple, il est plus sage d’attendre encore un peu plus…) et la majorité après, seuls les premiers seront exposés à ces gelées… Une grande partie de vos plants sera donc préservée !
Il en va de même pour les floraisons. Chaque espèce, et même chaque variété fleurira à une période donnée. Ainsi, comme le souligne le message transmis par Solange, en implantant des espèces et variétés (fruitières mais aussi potagères) diversifiées, les risques seront limités aux variétés fleurissant (ou en début de nouaison) au moment des gelées.
D’autres aléas climatiques, comme des pluies torrentielles, de la grêle, ou même une tempête, peuvent également détruire totalement, ou partiellement, des cultures en place. Là encore, échelonner la mise en place de vos cultures sera une approche salutaire.
Sans forcément aller jusqu’à ces conditions extrêmes, les conditions météorologiques peuvent parfois s’avérer peu propices à la levée. Je pense par exemple à un refroidissement important au printemps, ou à une période caniculaire en début d’été. Tel semis pourra alors avoir du mal à lever… Alors qu’un semis effectué une semaine plus tard lèvera parfaitement bien.
De même, les conditions météorologiques peuvent parfois nuire à une bonne reprise des plants. Ce sera par exemple le cas si une canicule survient juste après la plantation. Il est donc sage de ne pas tout planter en même temps…
Échelonner ses cultures pour étaler les récoltes
De nombreux jardiniers effectuent un gros semis de salades (en général en avril ou en mai), espérant ainsi récolter de belles salades tout l’été…
Mais il en va autrement.
Même si, en semant différentes variétés, les récoltes s’étaleront quelque peu, les salades seront toutes bonnes à récolter dans un laps de temps assez court… Et beaucoup vont monter à fleurs sans que vous n’ayez pu les consommer.
C’est encore pire avec les radis… On y revient plus bas.
Je pourrais aussi parler ici des melons (qui mûrissent sur une période très courte). Si vous plantez tous vos melons en même temps, vous devrez tout consommer sur une très courte période (une dizaine de jours)…
Bref, pour les espèces arrivant à maturité sur une courte période, et se conservant peu, comme c’est le cas de celles mentionnées ici, échelonner ses cultures est plus qu’un conseil… C’est un impératif !
Mais qu’en est-il d’espèces produisant sur une durée beaucoup plus longue, comme les tomates ou les courgettes notamment ?
Certes, de par la nature de ces espèces, les récoltes sont déjà étalées dans le temps. Mais il est possible de les allonger encore un peu plus, en faisant quelques cultures « primeurs », mais aussi des cultures plus tardives…
Parlons également des concombres, qui risquent de devenir rapidement amers si récoltés trop tard. Or, les concombres produisent sur une période assez courte (3 à 5 semaines pour la plupart des variétés). Si vous semez ou plantez tous vos plants de concombres en même temps, vous risquez d’avoir une profusion de concombres pendant ces quelques semaines. Et faute de pouvoir tous les consommer en même temps, vous en laisserez aller au-delà de la période de cueillette, les rendant ainsi très amers… Mais rien à récolter avant ou après…
Pour compléter cela, je vous invite à lire l’article intitulé « Comment cultiver des légumes toute l’année… ou presque ? »
Ok…
Mais alors, concrètement, comment faire pour échelonner mes cultures ?
Comment échelonner vos cultures ?
Diversifiez les espèces et les variétés
Nous avons toute une panoplie de possibilités pour étaler les cultures dans la durée.
Nous avons déjà vu que diversifier les espèces en était une.
Prenons l’exemple des salades.
Il y a de nombreuses espèces de salades : des laitues pommées, des laitues batavia, des laitues romaines, des laitues à couper, des laitues grasses, des chicorées scaroles, des chicorées frisées, des chicotées sauvages, de la mâche, du cresson, de la roquette… Chacune de ces espèces mettra plus ou moins longtemps à arriver à maturité.
Ainsi, en cultivant un maximum d’espèces, vous pourrez récolter des salades toute l’année.
Mais vous pouvez optimiser encore un peu plus votre production de salades, en cultivant plusieurs variétés au sein d’une même espèce.
Il y a par exemple une grande diversité de variétés de laitues pommées.
Chacune sera plus ou moins longue à produire et plus ou moins adaptée à la sécheresse, à un temps frais ou à la pluie…
Nous ne pouvons certes pas influer sur la météo. Mais en cultivant différentes variétés d’une même espèce, une partie au moins des variétés choisies vous donnera toute satisfaction. Vous limiterez ainsi les risques de ne récolter aucune salade. Et, en règle général, vous aurez toujours au moins une salade à mettre sur votre table. Chez moi, avoir de la salade à chaque repas est une obligation… transmise par mon grand-père.
Semez régulièrement
Continuons avec ce même exemple des salades.
Comme vous l’avez peut-être déjà constaté à vos dépens, une salade arrivée à maturité va rapidement monter en graine…
Si, comme moi, vous voulez des salades à chaque repas, vous devrez donc effectuer des semis le plus régulièrement possible.
Pour ma part, j’en sème environ toutes les 3 semaines (avec le plus de diversité possible, compte tenu des possibilités pendant la période concernée) en quantités suffisantes pour ma consommation quotidienne. J’en fais même un peu plus, par sécurité, et je donne mes surplus. Pour être concret, pour 3 semaines, il me faut une bonne quarantaine de salades… J’en sème à chaque fois une plaque alvéolée, soit 54 plants pour mes plaques.
Dans le même ordre d’idées, les radis, une fois arrivés à maturité, vont devenir très (trop) forts. Ils durciront et se creuseront rapidement… Ce n’est pas terrible.
Aussi, si vous voulez de bons radis, semez-en tous les 15 jours, ou toutes les 3 semaines, du printemps à l’automne. Bon, chez moi, en cultiver en plein été est pratiquement impossible avec les canicules et sécheresses récurrentes… Mais je fais 3 ou 4 petits semis au printemps. Puis un ou deux en septembre/octobre, ainsi qu’un bon semis de radis d’hiver au mois d’août.
Salades et radis sont des exemples particulièrement significatifs.
Mais ce principe consistant à effectuer plusieurs semis ou plantations échelonnés dans le temps, non seulement pour limiter les risques, mais aussi pour étaler les récoltes, vaut pour la plupart des espèces.
Ainsi, pour les tomates, je fais un premier semis en février (quelques plants destinés à une culture précoce sous serre), un autre à partir de la mi-mars (semis qui constituera le gros de mes plants de tomates, plantés début mai si les risques de gelées sont écartés – les prévisions à 10 jours sont aujourd’hui en général assez fiables à ce niveau – ou à partir du 14 si des gelées sont prévues) et un dernier en avril (prolongation des récoltes à l’automne).
Pour les concombres, j’effectue un semis de 2 ou 3 plants chaque mois, de mars (culture sous serre) à juin… J’ai ainsi des concombres de la fin mai au milieu (voire la fin) de l’automne.
De même, je sème 2 plants de courgettes précocement vers la fin février/début mars (pour une culture précoce sous abri). Puis ensuite, un semis en avril (2 ou 3 plants destinés à produire tout l’été) et un dernier en juin. Ces derniers plants prolongeront mes récoltes jusqu’aux premières gelées automnales.
Pour les melons, ce sont en général 2 semis : un à partir de la mi-mars et un autre en avril. Mais vous pouvez aussi en semer dès février pour une culture sous abri et en mai pour des récoltes plus tardives.
Et, pour de nombreuses espèces (choux, poireaux, carottes, betteraves, poivrons, aubergines, pommes de terre…), pour synthétiser un peu les choses, disons que j’effectue environ 1 semis par mois (proportionnel à mes besoins) pendant toute la durée de semis possible pour l’espèce en question. Je ne vais pas entrer ici dans le détail, mais pour plus de précisions sur les possibilités qui s’offrent à vous, voyez ici le tableau de semis et plantations mois par mois.
Bien entendu, ces données ne sont pas à prendre au pied de la lettre. C’est ce que je fais personnellement, dans les conditions de culture qui sont les miennes et en fonction de mes objectifs. Elles doivent être au contraire à adapter à vos conditions climatiques (semer des melons en février en montagne par exemple serait probablement voué à l’échec) et à vos propres souhaits (vous n’êtes pas obligé de manger des salades tous les jours… quoi que !)
Diversifiez les emplacements
Pour clore cet article, ajoutons que vous pouvez également jouer sur les emplacements pour limiter les risques et surtout étaler vos récoltes.
Vous pouvez ainsi implanter une partie des plants d’une espèce donnée dans une zone bien ensoleillée. Et une autre partie au contraire dans une zone plus ombragée.
C’est particulièrement intéressant pour les salades. S’il fait très chaud, celles situées plutôt à l’ombre se développeront mieux. Et si le temps est plus maussade, ce sont probablement celles bénéficiant d’un ensoleillement maximal qui vous donneront les plus belles récoltes…
Enfin, cultiver sous abris (serre, tunnel bas, voile) constitue également une possibilité pour prolonger encore un peu plus vos récoltes (avant et après les périodes « normales ») et de protéger vos cultures des intempéries.
En conclusion : « ne mettez pas tous vos œufs dans le même panier ! »
J’attends avec impatience vos partages d’expériences et vos idées dans les commentaires (plus bas).
Planifier ses cultures n’est pas chose évidente… Mon ami Nicolas Larzillière a imaginé une méthode très astucieuse appelée « Planification inversée » (à découvrir ici).