Qui est Charles Dowding ?
Charles Dowding est maraîcher sur petite surface (1000 m²) en Angleterre.
Il cultive sans aucun travail du sol, en apportant chaque année du compost en surface.
Ses vidéos sont aujourd’hui très connues des passionnés de jardinage.
Et plusieurs adhérents à ma prestation d’accompagnement personnalisé, m’ont demandé ce que j’en pensais.
Il me semble donc intéressant de voir ici, le plus objectivement possible, les avantages et inconvénients de cette méthode.
Mais commençons par laisser Charles Dowding nous expliquer lui-même son approche de jardinage sans travail du sol (qu’il appelle « the no dig method« ) :
La méthode Charles Dowding
Avantages de la méthode
La méthode présentée par Charles Dowding présente comme intérêt majeur de ne pas avoir à travailler le sol, avec une incidence positive sur la vie de celui-ci, et donc de sa fertilité (nous y reviendrons, car en l’occurrence, ce n’est peut-être pas aussi simple que cela…).
De plus, et c’est là l’une des raisons souvent invoquées dans le choix de cette méthode, elle permet de démarrer rapidement des cultures à partir d’un terrain enherbé.
Concrètement, même si vous n’avez encore rien préparé au printemps :
- Vous tondez ;
- Vous déposez des cartons sur le sol (ce qui n’est pas obligatoire, mais utile pour empêcher les repousses d’adventices) ;
- Puis vous épandez le compost (40 cm d’épaisseur la première année, puis 5 cm ensuite)…
Vous pouvez cultiver à suivre.
Les cultures se développant dans un riche substrat (le compost), cette façon de procéder permet en général de (très) belles récoltes.
Ajoutons à cela que le travail de désherbage est fortement réduit. Notons toutefois ici que le liseron, le rumex ou autres adventices à forts systèmes racinaires risquent quand même de traverser…
Nous le voyons, les intérêts de cette méthode sont considérables.
Mais, pour être vraiment objectifs, nous devons nous pencher aussi sur les inconvénients…
Inconvénients de la méthode
Quantités de compost
Épandre 40 cm d’épaisseur de compost la première année requiert des quantités énormes.
Avec 1 m3 de compost, à 40 cm d’épaisseur, vous couvrirez seulement environ 2.5 m² de terrain… Pour un potager de 100 m² par exemple, ça représenterait donc 40 m3.
À moins de disposer d’une surface « exploitable » de plusieurs hectares (avec fauches, tontes, broyats, feuilles mortes…), il est quasiment impossible de produire soi-même de telles quantités de compost.
Il est donc nécessaire de s’en procurer ailleurs.
Si vous pouvez trouver du fumier composté en grandes quantités auprès d’un voisin éleveur (de préférence en bio), ce sera très bien… En revanche, un fumier non composté, pour de telles quantités, nécessiterait un matériel adapté (fourche de tracteur) pour le retourner afin d’assurer un bon compostage…
Mais à défaut, vous devrez acheter du compost auprès d’une plate-forme de compostage (déchetterie au autre).
Certes, les prix varient fortement. Et certaines communes en proposent même gratuitement (Dans ce cas, on oublie le coût financier… Mais pas les inconvénients qui suivent…).
À titre d’exemple, partons des données que m’a fournies Chantal (l’une des adhérentes à mon accompagnement personnalisé qui m’a interrogé sur ce sujet) : « J’ai la possibilité d’acheter de la terre enrichie (70 % terre végétale, 30 % de compost) à 38 € le m3 soit environ 1.5 T. Et le m3 de compost maille 20 mm seul à 23 € le m3. »
Faisons un rapide calcul :
Nous avons vu plus haut que, pour 100 m² de potager, il faut 40 m3 de compost.
Pour la terre végétale enrichie de compost, on aura donc un coût de 40 x 38 € = 1520 €
Pour le compost seul, le coût sera de 40 x 23 € = 920 €
Bref, si vous n’avez pas d’autres choix que d’acheter le compost, ça fait cher le plaisir de récolter ses légumes (en tout cas pour la première année) !
Admettons maintenant que vous pouvez vous procurer gratuitement ces grosses quantités de compost, parce qu’une plate-forme en distribue ainsi.
Très bien…
Sauf que le compost produit l’est en quantités limitées.
Vous vous accaparez alors ce fertilisant naturel au détriment d’autres jardiniers…
Il me semble aussi important de noter l’impact écologique que représente le transport, par camions, de ce compost.
Vous devez également avoir conscience qu’épandre de telles quantités de compost représente un travail énorme (sauf si vous avez un tracteur pour le faire)…
Qualité des composts
Le compost « industriel », qu’il soit issu d’une plate-forme de compostage ou d’une déchetterie, est soumis à de très fortes températures (grâce à un brassage régulier) afin d’évoluer rapidement. De ce fait, il est beaucoup moins vivant, comme le dit d’ailleurs notre ami Charles, qu’un compost fait maison.
Ajoutons à cela qu’il contient presque toujours des résidus de traitements chimiques (c’est heureusement moins vrai avec l’interdiction des pesticides dans les jardins de particuliers), des métaux lourds ou encore des petits bouts de plastique…
La qualité de ces composts industriels est donc discutable.
La culture sur compost
La culture sur compost ne présente pas non plus que des intérêts.
En effet, un compost sèche vite…
Dans la vidéo ci-dessus, Charles Dowding précise, à raison, que du fait que la terre, sous le compost, n’est pas travaillée, l’eau y reste plus présente… et avec des conditions pluviométriques importantes sur l’année, même avec un été sec, il a ainsi finalement moins besoin d’arroser que ses voisins…
Mais dans le sud de la France (à titre d’exemple parlant… mais on peut aujourd’hui élargir plus largement les zones en déficit de pluviométrie), les réserves d’eau dans le sol sont quasi nulles en été… Et cette méthode nécessitera donc des arrosages conséquents et particulièrement fréquents… Un bon paillage sera, en tout cas, impératif.
Par ailleurs, les oiseaux adorent picorer dans le compost, déterrant ainsi les graines ou de jeunes plantules). Dès lors, et c’est d’ailleurs ce que fait Charles Dowding, je vous recommande fortement de poser un filet de protection sur les semis directs ou jeunes plants (avec donc encore un coût supplémentaire).
J’ai aussi quelques doutes sur l’enracinement de plantes à fort développement, comme les tomates par exemple… Les racines vont se développer dans un substrat certes bien meuble, mais peu stable, avec pour conséquence des plants plus fragiles…
Par ailleurs, Charles Dowding nous dit : « Je copie la Nature ?
Pas tout à fait…
S’il est vrai que, dans la nature, les matières organiques se décomposent en surface et sont intégrées par les vers de terre et autres organismes vivants du sol, il ne s’agit en l’occurrence pas de matériaux déjà compostés… Ils vont au contraire se décomposer progressivement… Ce qui n’est pas vraiment la même chose en termes de développement de la vie dans le sol.
Et surtout, dans la nature, ce ne sont jamais 40 cm qui vont « tomber » d’un seul coup sur le sol…
Ce qui m’amène à m’interroger sur les conséquences d’apports massifs de compost à long terme ? Un tel sol ne risque t-il pas d’être totalement saturé en matières organiques dans 20 ou 50 ans ?
Conclusion
Cette méthode, soit-dit en passant fortement inspirée de celle de Dominique Soltner, peut être intéressante pour démarrer rapidement une petite parcelle, ou sur un terrain à « fleur de roche » (c’est-à-dire avec une très faible épaisseur de terre)… Mais elle est, à mon sens, plus discutable, dans la majorité des cas, pour un potager d’une plus grande ampleur.
Pour ma part, et n’aimant de toute façon pas agir dans la précipitation, je préconise plutôt, dans un objectif de terre vivante et fertile, sur le long terme, un processus de compostage en place ainsi que de paillage progressif.
N’hésitez pas à partager vos expériences et avis les commentaires ci-dessous !